DEFINITIO / DÉFINITION
1. Les principaux lieux intrinsèques sont: la définition, l’énumération des parties, le genre et l’espèce, la comparaison, les contraires, les choses qui répugnent entre elles, les circonstances, les antécédents et les conséquents, la cause et l’effet.
1° Par la définition, l’orateur trouve dans la nature [p. 24] même de la chose dont il parle une raison pour persuader ce qu’il en dit. L’art ici consiste à ne pas omettre légèrement des traits essentiels, favorables à l’opinion qu’on soutient, et à ne point insister aussi sur des circonstances inutiles. D’Aguesseau veut montrer combien l’abus de l’esprit est blâmable; il définit le genre d’esprit qu’il attaque: « Qu’est-ce que cet esprit, dit-il, dont tant de jeunes magistrats se flattent vainement? Penser peu, parler de tout, ne douter de rien; n’habiter que les dehors de son âme, et ne cultiver que la superficie de son esprit; s’exprimer heureusement, avoir un tour d’imagination agréable, une conversation légère et délicate, et savoir plaire sans savoir se faire estimer; être né avec le talent équivoque d’une conception prompte, et se croire par-là au-dessus de la réflexion; voler d’objets en objets sans en approfondir aucun; cueillir rapidement toutes les fleurs, et ne donner jamais aux fruits le temps de parvenir à leur maturité: c’est une faible peinture de ce qu’il plaît à notre siècle d’honorer du nom d’esprit. » Vous trouverez une autre définition presque pareille dans le discours du même orateur sur la décadence de l’Éloquence. Il y joint cette comparaison: « Semblable à ces arbres dont la stérile beauté a chassé des jardins l’utile ornement des arbres fertiles, cette agréable délicatesse, cette heureuse légèreté, d’un génie vif et naturel, qui est devenue l’unique ornement de notre âge, en a banni la force et la solidité d’une génie profond et laborieux; [p. 25] et le bon esprit n’a point eu de plus dangereux ni de plus mortel ennemi que ce que l’on honore dans le monde du nom trompeur de bel-esprit. »
On voit que la définition oratoire ou poétique est bien différente de la définition philosophique ou morale. Qu’est-ce que l’homme? C’est, dit le philosophe, un animal raisonnable; mais écoutons J.-B. Rousseau:
L’homme, en sa course passagère,
N’est rien qu’une vapeur légère
Que le soleil fait dissiper:
Sa clarté n’est qu’une nuit sombre;
Et ses jours passent comme l’ombre
Que l’oeil suit et voit échapper (Liv. I, Ode 13).
Rien n’est plus sensé ni plus capable de donner une idée de l’éloquence que la définition du véritable orateur par Fénélon: L’homme digne d’être écouté est celui qui ne se sert de la parole que pour la pensée, et de la pensée que pour la vertu » (Lettre à l’Académie française).