Joseph de Jouvancy, 1710 : Candidatus rhetoricae

Définition publiée par Mattana-Basset

Joseph de Jouvancy, L’Élève de rhétorique (Candidatus rhetoricae, 1e éd. 1710, 1e trad. 1892), édité par les équipes RARE et STIH sous la direction de D. Denis et Fr. Goyet, Paris, Classiques Garnier, 2019, deuxième partie, "< De la deuxième partie de l'éloquence ou > de la disposition du discours", chap. V, "Règles à observer dans chaque partie du discours", art. V, "Les deux sources de la réfutation", p. 142-143 et cinquième partie, "Exercices préparatoires < d'Aphthonius >", VI. "Sixième exercice préparatoire, De la réfutation, de la confirmation, de la louange et du blâme", chap. I, "De la réfutation et de la confirmation", p. 382-385. 

Définition publiée par RARE, le 05 juin 2020

ARTICLE 5

Les deux sources de la réfutation

 

À la confirmation, < il faut ajouter la réfutation si l’on a besoin d’y recourir. On omet trop souvent d’en parler, et c’est un tort. Son but est de détruire tout ce qui peut nuire à la cause, et ce qu’on peut raisonnablement nous objecter. Or il y a deux espèces d’objections : les unes nuisent tellement à la cause, que l’auditeur ou le juge, tout occupé de ce qu’on objecte, ne peut prêter à l’orateur une oreille attentive et favorable. Tels sont certains préjugés [praejudicia] et certaines opinions fortement enracinés dans l’esprit ; il faut les en arracher si l’on ne veut pas que les paroles de l’orateur ne soient qu’un vain son qui frappe les oreilles et qu’on n’écoute pas. Il faut immédiatement détruire ces préjugés, et se servir de l’artifice employé par Cicéron dans son discours pour Milon. 

D’autres objections naissent du discours même ; elles surgissent, quand aux preuves que vous apportez, un adversaire avisé oppose une objection qui lui vient dans l’esprit. Si vous ne faites pas disparaître ce petit obstacle, il se rendra difficilement à vos raisons, et il vous résistera jusqu’à ce que vous ayez émoussé le trait inattendu qu’il vous lance. C’est pourquoi il est bon et prudent, lorsqu’on trace l’esquisse de son discours, et qu’on forme les syllogismes dont je parlais tout à l’heure, de tracer en même temps, à la manière des philosophes, les objections que pourrait faire un adversaire rigide et habile [non mollis, neque hebes], et de s’efforcer de les détruire et de les réfuter solidement. Mais cette préparation demande beaucoup d’habileté [ars], car il y a des objections qu’on affaiblit par la raillerie [jocus], d’autres qu’on adoucit par la déprécation ; on en élude certaines par la prétermission ; on en brise par l’antithèse [contentio] et l’on rend quelques autres peu redoutables par la communication. Les discours de Cicéron sont pleins d’exemples de réfutation. >

 

CHAPITRE 1

DE LA RÉFUTATION ET DE LA CONFIRMATION

 

Qu’est-ce que la Réfutation ?

R. C’est ce qu’on dit pour réfuter quelque chose, et pour montrer que c’est faux.

Qu’est-ce qui est susceptible de réfutation ?

R. Tout ce qui n’est ni évident ni incroyable, c’est-à-dire ce qui est douteux et obscur.

Comment réfute-t-on ? 

R. D’abord en critiquant ceux qui ont avancé ce que vous voulez affaiblir et réfuter, en disant que ce sont des hommes qui n’ont aucune valeur, et à qui on ne peut ajouter foi, ou bien que ce sont des gens ne connaissant pas du tout ce dont il s’agit, etc. Ensuite, vous réfuterez l’objection par les moyens [capita] suivants dont vous vous servirez comme bélier : l’obscur, l’incroyable, le difficile, l’incompatible, l’inconvenant, l’inutile, c’est-à-dire que vous prouverez que le fait est : 1° obscur et incertain < pour tous > ; 2° incroyable, cela dépasse tout ce qu’on peut croire ; 3° le fait n’a pu se faire que tout à fait difficilement ; 4° il est contraire à la nature ; 5° à ce qui est convenable, ainsi qu’à la raison ; 6° et enfin il est ou a été inutile.