ADVERSA / ADVERSES
Des contraires ou des opposés
Combien y a-t-il de genres de Contraires ? R. Il y en a cinq :
1° Les Opposés [adversa], c’est-à-dire les choses qui sont le plus éloignées les unes des autres, comme la vertu et le vice ;
2° Les Privatifs, qui sont l’habitude et l’absence d’habitude [habitus, et ejus privatio], comme la vie et la mort ;
3° Les Relatifs, qui se correspondent réciproquement et se regardent tellement face à face, que l’on ne peut connaître l’un sans l’autre, tels sont le disciple et le maître, le père et le fils, etc. ;
4° Les Négatifs ; cet argument a lieu quand l’un est la négation de l’autre, comme l’homme pieux et l’impie ;
5° Les Choses qui se repoussent l’une l’autre, c’est-à-dire qui ne peuvent s’accorder, comme haïr quelqu’un et faire son éloge.
Comment tire-t-on des arguments de chacun de ces lieux ? R. De cette manière :
1° Des Opposés : Le vice est la chose la plus hideuse, donc la vertu est la chose la plus belle.
2° Des Privatifs : Paul craint la mort, donc il aime la vie.
3° Des Relatifs : Le maître s’attache à l’étude de la littérature. Le disciple doit donc s’attacher aux mêmes études.
4° Des Négatifs : Il est modeste, pourquoi dites-vous qu’il est immodeste ?
5° Des Choses qui se repoussent l’une l’autre : Paul aime cet homme, donc < il ne lui a pas nui, > il ne l’a pas outragé, car il est contradictoire [repugnat] d’admettre qu’on nuise à celui qu’on aime, et qu’on l’outrage.
[...]
ARTICLE 5
Exemples des lieux des Opposés, des Relatifs, etc.
Dans la deuxième Philippique, § 31, Antoine avait fait l’éloge des meurtriers de César, comme s’ils avaient été les défenseurs de la République et de la liberté ; et d’un autre côté, il appelait scélérat et parricide Cicéron qui avait embrassé leur parti. Ces éloges et ces accusations ne s’accordent pas ; si les meurtriers de César sont des parricides, ils ne doivent pas être loués comme défenseurs de la patrie ; s’ils sont dignes d’éloges, Cicéron, qui est leur partisan, ne saurait être accusé. Ce lieu a beaucoup de force. < « Ô vous, homme judicieux et réfléchi, répondez », etc.
Au début du Contre Verrès, III, il déclare qu’il cultive des vertus opposées aux vices de Verrès, et donc que ce dernier est attaqué par lui de façon légitime. Dans la deuxième Catilinaire § 25, il montre par une remarquable antithèse à quel point les forces et la cause de Catilina sont opposées aux forces et à la cause même de la République : « La guerre est déclarée entre la pudeur et l’impudence, la piété et le crime », etc.
Dans le Pour Roscius d’Amérie, il prouve que Roscius est éloigné du crime de parricide par ce très grand argument, à savoir qu’il vivait à la campagne, une vie qui, en fait de crimes scandaleux, est en général plus épargnée que la vie à la ville, § 75 : « Toutes les espèces d’arbres et de grains ne se rencontrent pas dans toutes les terres, de même tous les genres de vie ne produisent pas tous les genres de crime. C’est à la ville que naît le luxe : le luxe produit nécessairement la cupidité », etc. C’est avec le même procédé qu’il donne à voir que le crime de parricide est imputable plutôt à Titus Roscius qu’à Sextus Roscius, en tirant argument des mœurs opposées de l’un et de l’autre, § 88 : « Juges, la mort de Roscius a procuré des richesses à Titus ; elle a ravi à Sextus tout ce qu’il possédait. L’un… l’autre », etc.
Il nie que Caelius Rufus (§ 45) se soit adonné à la débauche, parce que sont incompatibles une éloquence aussi éclatante que celle de Caelius et l’oisiveté propre à ceux qui fréquentent les maisons de plaisir. Il poursuit au § 47 : « Si Caelius s’était livré à cette vie molle et voluptueuse… le verrions-nous se montrer tous les jours sur ce champ de bataille, braver les haines, intenter des accusations capitales ? » etc.
Il justifie Rabirius Postumus en tirant argument de son père : puisque celui-ci a traité avec des princes étrangers sans aucun danger ni pour sa probité ni pour sa réputation, le fils ne doit pas être condamné pour cette même raison, § 2. > Dans le Pour la loi Manilia § 11, Cicéron exhorte les Romains à entreprendre la guerre d’Asie, pour suivre l’exemple de leurs ancêtres, et pour que la postérité ne les accuse pas avec raison d’avoir dégénéré. < « Mais puisque c’est de la dignité et de la gloire de votre empire que je me suis proposé de vous entretenir d’abord, voyez », etc. >