Jean-Baptiste Crevier, 1765 : Rhétorique française

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Jean-Baptiste Crevier, Rhétorique française (1765), Paris, Saillant, 1767, 2 tomes, t. II, p. 153-154.

Apposition. 

L’Apposition a du rapport avec l’Epithete. L’Epithete est un adjectif ajouté au substantif. L’Apposition emploie des substantifs comme Epithetes.

« C’est dans un foible objet, imperceptible ouvrage,
Que l’art de l’ouvrier me frappe davantage
, »

dit M. Racine le fils. Dans le premier de ces deux vers <Poëme sur la Religion, chant I. v. 163>, ouvrage imperceptible est joint par Apposition à foible objet.

Ce tour a quelque chose de hardi, en ce qu’il change la nature du nom substantif, qu’il emploie à l’usage qui appartient à l’adjectif. Il abrege le discours, dont il retranche les liaisons. On devroit dire réguliérement foible objet, qui est un ouvrage imperceptible. Aussi l’Apposition ne convient-elle qu’au style soutenu. Elle seroit déplacée dans le langage familier. L’éloquence même & la poësie ne doivent en faire qu’un usage très-sobre, parce qu’elle rend le discours [t. II, p. 154] sautillant, & l’arrête dans son cours. C’est sans doute par cette raison, que l’on en trouve moins d’exemples dans le premier âge des bons Auteurs de notre langue, qui étoient extrêmement attentifs à rendre leur style coulant & harmonieux.