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1782 : Pierre Thomas Nicolas Hurtaut

Manuale rhetorices

P. T. N. Hurtaut, Manuale rhetorices ad usum studiosae juventutis academicae, Exemplis tum Oratoriis, tu Poeticis, editio tertia, Paris, chez l'auteur, 1782, première section "De inventione", première partie "De locis, tum intrinsecis, tum extrinsecis", chapitre I "De locis intrinsecis", III "De Notatione Nominis", p. 22-23.

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Furetière

Espece de Poësie courte qui finit par quelque pointe ou pensée subtile. Les Epigrammes de Catulle, de Marot, de Menard, de Gombaut. Ce mot vient d’epigramma, d’epigraphein en Grec, faire une inscription.

 

Encyclopédie

[Mallet]

Petit poëme ou piece de vers courte, qui n’a qu’un objet, & qui finit par quelque pensée vive, ingénieuse, & saillante.

 

D’autres définissent l’épigramme une pensée intéressante, présentée heureusement & en peu de mots ; ce qui comprend les divers genres d’épigrammes, telles que les anciens les ont traitées, & telles qu’elles ont été connues par les latins & par les modernes.

 

Les épigrammes, dans leur origine, étoient la même chose que ce que nous appellons aujourd’hui inscriptions. On les gravoit sur les frontispices des temples, des arcs de triomphe, sur les pié-d’estaux des statues, les tombeaux, & autres monumens publics. Elles se réduisoient quelquefois au monogramme : on leur donna peu-à-peu plus d’étendue ; on les tourna en vers pour les rendre plus faciles à être retenues par mémoire. Hérodote & d’autres nous en ont conservé plusieurs.

 

On s’en servit depuis à raconter brievement quelque fait, ou à peindre le caractere des personnes ; & quoiqu’elles eussent changé d’objet, elles conserverent le même nom.

 

Les Grecs les renfermoient ordinairement dans des bornes assez étroites ; car quoique l’Anthologie en renferme quelques-unes assez longues, elles ne passent pas communément six ou au plus huit vers. Les Latins n’ont pas été si scrupuleux à observer ces bornes, & les modernes se sont donnés encore plus de licence. On peut pourtant dire en général que l’épigramme n’étant qu’une seule pensée, il est difficile qu’elle communique ce qu’elle a de piquant à un grand nombre de vers.

 

M. le Brun, dans la préface qu’il a mise à la tête de ses épigrammes, définit l’épigramme un petit poëme susceptible de toutes sortes de sujets, qui doit finir par une pensée vive, juste, & inattendue ; ces trois qualités, selon lui, sont essentielles à l’épigramme, mais sur-tout la briéveté & le bon mot. Pour être courte, l’épigramme ne doit se proposer qu’un seul objet, & le traiter dans les termes les plus concis ; c’étoit le sentiment de M. Despreaux :

L’épigramme plus libre, en son tour plus borné,

N’est souvent qu’un bon mot de deux rimes orné.

 

On est divisé sur l’étendue qu’on peut donner à l’épigramme ; quelques-uns la fixent depuis deux jusqu’à vingt vers, quoique les anciens & les modernes en fournissent qui vont bien au-delà de ce dernier nombre ; mais on convient que les plus courtes sont souvent les meilleures & les plus parfaites. Les sentimens font aussi partagés sur la pensée qui doit terminer l’épigramme : les uns veulent qu’elle soit saillante ; inattendue comme dans celles de Martial, tout le reste, disent-ils, n’étant que préparatoire ; d’autres prétendent que les pensées doivent être répandues & se soûtenir dans toute l’épigramme, & c’est la maniere de Catulle ; d’autres enfin adoptent également ces deux genres.

 

Si l’on consulte l’Anthologie, les épigrammes greques ne nous offriront guere de ce qu’on appelle bons mots ; elles ont seulement un certain air d’ingénuité & de simplicité accompagné de vérité & de justesse, tel que seroit le discours d’un homme de bon sens ou d’un enfant qui auroit de l’esprit. Elles n’ont point le sel piquant de Martial, mais une certaine douceur qui plaît au bon goût ; ce qui n’a pas empêché qu’on ne donnât le nom d’épigramme greque à toute épigramme fade ou insipide : mais nous ne sommes pas dans le point de vûe convenable pour juger du véritable mérite des épigrammes de l’Anthologie ; il faut si peu de chose pour défigurer un bon mot ; en connoît-on toute la finesse, les rapports, &c. à 2000 ans d’intervalle?

 

Selon quelques modernes, c’est le bon mot qui caracterise l’épigramme, & qui la distingue du madrigal. Le P. Mourgues dit que c’est par le nombre des vers & par le bon mot, que ces deux especes de petits poëmes sont distingués entr’eux dans la versification moderne ; que dans l’épigramme le nombre des vers ne doit être ni au-dessus de huit ni au-dessous de six, mais rien n’est moins fondé que cette regle ; ce qu’il ajoûte est plus vrai, que la fin de l’épigramme doit avoir quelque chose de plus vif & de plus recherché que la pensée qui termine le madrigal. Voyez Madrigal.

 

L’épigramme est encore régardée comme le dernier & le moins considérable de tous les ouvrages de poésie ; & quelqu’un qui n’y réussissoit apparemment pas, dit que les bonnes épigrammes sont plutôt un coup de bonheur qu’un effet du génie. Le P. Bouhours a prétendu qu’elles tiroient leur principal mérite de l’équivoque. Mais considérer l’épigramme par ses rapports, c’est faire le procès à ses défauts sans rendre justice aux beautés réelles qu’elle peut renfermer, & l’on en pourroit citer un grand nombre de ce genre tant anciennes que modernes.

 

Selon quelques autres une des plus grandes beautés de l’épigramme, est de laisser au lecteur quelque chose à suppléer ou à deviner, parce que rien ne plaît tant à l’esprit que de trouver dequoi s’exercer dans les choses qu’on lui présente. Mais d’un autre côté on demande pour le moins avec autant de fondement, si une épigramme peut être louche, & si c’est la même chose qu’une énigme.

 

La matiere de l’épigramme est d’une grande étendue ; elle exprime ce qu’il y a de plus grand & de plus noble dans tous les genres, elle s’abaisse à ce qu’il y a de plus petit, elle loue la vertu & censure le vice, peint & fronde les ridicules. Il semble pourtant qu’elle se trouve mieux dans les genres simples ou médiocres que dans le genre élevé, parce que son caractere est la liberté & l’aisance.

 

Comme l’épigramme ne roule que sur une pensée, il seroit ridicule d’y multiplier les vers ; elle doit avoir une sorte d’unité comme le drame, c’est-à-dire ne tendre qu’à une pensée principale, de même que le drame ne doit embrasser qu’une action. Néanmoins elle a nécessairement deux parties ; l’une qui est l’exposition du sujet, de la chose qui a produit ou occasionné la pensée : & l’autre, qui est la pensée même ou ce qu’on appelle le bon mot. L’exposition doit être simple, aisée, claire, libre par elle-même & par la maniere dont elle est tournée.

 

Sans parler de la malignité & de l’obscénité, que la raison seule reprouve, les défauts qu’on doit éviter dans l’épigramme, sont la fausseté des pensées, les équivoques tirées de trop loin, les hyperboles, les pensées basses & triviales.

 

Une des meilleures épigrammes modernes, est celle de M. Piron contre le Zoïle de notre siecle ; puisse-t-elle servir de leçon à ses semblables ! Une anecdote très-plaisante à ce sujet, c’est que M. Piron l’a fait écrire en sa présence par le Zoïle même : la voici ; elle est à deux tranchans.

Cet écrivain si fécond en libelles,

Croit què sa plume est la lance d’Argail ;

Sur le Parnasse entre les neuf Pucelles

Il s’est placé comme un épouvantail :

Que fait le bouc en si joli bercail ?

Y plairoit-t-il ? chercheroit-il à plaire ?

Non, c’est l’eunuque au milieu du serrail :

Il n’y fait rien, & nuit à qui veut faire.

 

Littré

Anciennement, petite pièce de vers sur toute sorte de sujets.

L’épigramme, pour les anciens, était une petite pièce qui ne passait guère huit ou dix vers, d’ordinaire en vers hexamètres et pentamètres ; c’était une inscription soit tumulaire, soit triomphale, soit votive ou descriptive ; une peinture pastorale trop courte pour faire une idylle, une déclaration ou une plainte amoureuse trop peu développée pour faire une élégie ; la raillerie y a aussi sa part, mais une part restreinte, tandis que, dans les épigrammes modernes, elle est presque tout, et que c’est toujours le trait et la pointe finale à quoi l’on vise. [Sainte-Beuve, Constitutionnel, 4 janv. 1864]

 

2. Courte pièce de vers qui se termine par un mot ou par un trait piquant. La pointe d’une épigramme.

Alcandre, c’est ta passion ;

Tu veux une longue épigramme,

Bien qu’elle soit digne de blâme,

Comme une longue inscription ;

D’un seul coup elle fait sa brèche,

Ainsi que le trait d’un archer ;

As-tu jamais vu décocher

Une pique au lieu d’une flèche ? [Gombault, dans Richelet.]

 

3. Par extension, mot très piquant ou railleur, lancé dans la conversation ordinaire ou ailleurs. Cela a bien l’air d’une épigramme.

Il y a bien à dire des épigrammes là-dessus. [Sévigné, 399]

 

Employé adjectivement, emploi qui n’est plus en usage.

Cela me paraît fort épigramme. [Sévigné, 37]