NECESSITAS / FORCE MAJEURE, NÉCESSITÉ
Définitions
94 : Quintilien
Quintilien, De l’Institution de l’orateur, trad. Nicolas Gédoyn, Paris, Grégoire Dupuis, 1718, livre troisième, chapitre VIII, « Du genre Délibératif », p. 196.
1662 : Jacques du Roure
Jacques Du Roure, La Rhétorique française nécessaire à tous ceux qui veulent parler, ou écrire comme il faut et faire ou juger : des discours familiers, des lettres, des harangues, des plaidoyers, et des prédications, Paris, chez l’Auteur, 1662, Quatrième partie, p. 77.
Dictionnaires et encyclopédies
Encyclopédie
Nécessité, c’est en général ce qui rend le contraire d’une chose impossible, quelle que soit la cause de cette impossibilité. Or, comme l’impossibilité ne vient pas toûjours de la même source, la nécessité n’est pas non plus partout la même. On peut considérer les choses, ou absolument en elles-mêmes, & en ne faisant attention qu’à leur essence ; ou bien on peut les envisager sous quelque condition donnée qui, outre l’essence, suppose d’autres déterminations qui ne sont pas un résultat inséparable de l’essence, mais aussi qui ne lui répugnent point. De ce double point de vûe résulte une double nécessité ; l’une absolue, dont le contraire implique contradiction en vertu de l’essence même du sujet ; l’autre hypothétique, qui ne fonde l’impossibilité que sur une certaine condition. Il est absolument nécessaire que le parallélograme ait quatre côtés, & qu’il soit divisible par la diagonale en deux parties égales : le contraire implique en tout tems, aucune condition ne sauroit le rendre possible. Mais si ce parallélograme est-tracé sur du papier, il est hypothétiquement nécessaire qu’il soit tracé, la condition requise pour cet effet ayant eu lieu : cependant il n’impliqueroit pas qu’il eût été tracé sur du parchemin, ou même qu’il ne l’eût point été du-tout. La certitude, l’infaillibilité de l’événement suivent de la nécessité hypothétique, tout comme de la nécessité absolue.
On confond d’ordinaire la nécessité avec la contrainte : néanmoins la nécessité d’être homme n’est point en Dieu une contrainte, mais une perfection. En effet la nécessité, selon M. de la Rochefoucault, differe de la contrainte, en ce que la premiere est accompagnée du plaisir & du penchant de la volonté, & que la contrainte leur est opposée. On distingue encore dans l’école, nécessité physique & nécessité morale, nécessité simple & nécessité relative.
La nécessité physique est le défaut de principes ou de moyens naturels nécessaires à un acte, on l’appelle autrement impuissance physique ou naturelle.
Nécessité morale signifie seulement une grande difficulté, comme celle de se défaire d’une longue habitude. Ainsi on nomme moralement nécessaire ce dont le contraire est moralement impossible, c’est-à-dire, sauf la rectitude de l’action ; au lieu que la nécessité physique est fondee sur les facultés & sur les forces du corps. Un enfant, par exemple, ne sauroit lever un poids de deux cens livres, cela est physiquement impossible ; au lieu que la nécessité morale n’empêche point qu’on ne puisse agir physiquement d’une maniere contraire. Elle n’est déterminée que par les idées de la rectitude des actions. Un homme à son aise entend les gémissemens d’un pauvre qui implore son assistance. Si le riche a l’idée de la bonne action qu’il fera, en lui donnant l’aumône, je dis qu’il est moralement impossible qu’il la lui refuse, ou moralement nécessaire qu’il la lui donne.
Nécessité simple est celle qui ne dépend point d’un certain état, d’une conjoncture, ou d’une situation particuliere des choses, mais qui a lieu par-tout & dans toutes les circonstances dans lesquelles un agent peut se trouver. Ainsi c’est une nécessité pour un aveugle de ne pouvoir distinguer les couleurs.
Nécessité relative est celle qui met un homme dans l’incapacité d’agir ou de ne pas agir en certaines circonstances ou situations dans lesquelles il se trouve, quoiqu’il fût capable d’agir ou de ne pas agir dans une situation differente.
Telle est, dans le système des Jansénistes, la nécessité où se trouve un homme de faire le mal lorsqu’il n’a qu’une foible grace pour y résister, ou la nécessité de faire le bien dans un homme qui, ayant sept ou huit degrés de grace, n’en a que deux ou trois de concupiscence.
Littré
Ce qui contraint, oblige, en une circonstance donnée. La nécessité était venue de s’expliquer.
S’assure-t-on sur l’alliance
Qu’a faite la nécessité ? [La Fontaine, Fables]
Faire de nécessité vertu, faire de bonne grâce une chose qui déplaît, mais qu’on est obligé de faire.
D’une nécessité faites une vertu. [Mairet, Sophonisbe]
Une chose de première nécessité, une chose dont il est impossible ou très difficile qu’on se passe pour exister.
Les fruits tels que la terre les produit par sa seule fécondité, sont de première nécessité pour un sauvage. [Condillac, Comm. gouv. I, 7]
Par analogie, les choses de seconde nécessité, les choses qui sont fort utiles, mais dont à la rigueur on pourrait se passer.
Les arts multiplient les choses de seconde nécessité, ils les perfectionnent. [Condillac, Comm. gouv. I, 2]